Boutons la maladie « français de souche » hors de France!

Paris est une fête
Paris est une fête

La France est belle. Nous avons un temps plutôt agréable dans l’ensemble, des collines et des prairies vertes, des forêts, des cascades, des golfes où la mer scintille au soleil et même aux endroits plats et brumeux, de beaux monuments à contempler ou des théâtres et des musées passionnants où se réfugier les jours de pluie. Prenez Paris, par exemple, n’est-ce pas un endroit que le monde envie, la lumière, la vie, une fête, et à deux lettres près, presque le paradis ? La France est, bien au-delà de Paris, un pays magnifique dont on peut être fier, avec beaucoup de belles choses à voir et ce qui ne gâche rien, à goûter, aux six coins de la mosaïque hexagonale. Nous pouvons perdre beaucoup de temps à essayer de comparer les mérites respectifs de milliers de fromage, mais ce qui compte, c’est la diversité du choix. Du coup, on comprend mieux pourquoi nous sommes accros à la baguette, ça permet d’en tester plusieurs. Quant à nos croissants, certes on les a piqués aux Viennois, mais on a su y ajouter cette pâte qui effeuille toutes les bonnes volontés de régime…

La semeuse
La semeuse

Oui mais …

Autant le dire tout de suite, la France a, hélas, un gros problème. Comme une belle cuisinière qui malgré sa beauté, souffrirait d’une chose inavouable qui la rendrait moins attractive. Imaginez-la, par exemple, avec un gros panaris. Hé bien, si le monde entier nous envie les paysages de France, pour le caractère des français, nous avons, il faut le dire, une sorte de gros panaris. Une enflure caractéristique et contagieuse du sentiment national de possession, une sorte de contamination fongicide du cerveau qui pourrait nous faire croire que tant de beautés sont notre seule œuvre. Notre belle Marianne semeuse a semé les spores d’où germera notre propre déclin. Ainsi, bon nombre de Français ne sont pas loin de croire qu’il faut être né en France pour avoir un peu de ce « génie français » que l’on trouve dans la culture, la mode, l’ingénierie, la cuisine, l’architecture ….

France morcelée

Oui mais …

Est-ce qu’il y a vraiment un « génie français ». ? En tous les cas, les étrangers s’accordent sur un point, le français, en général, se trouve génial … du moins, plus génial que tous les autres. En d’autres termes, le « français » est irrespectueux, arrogant, hautain, prétentieux … et j’en passe. Mais pourquoi une si mauvaise image et tant de prétendue arrogance ? C’est sans doute par jalousie et désir secret de garder pour soi seul ce que nous considérons comme notre héritage du sol. D’ailleurs, à y regarder de près, le Français est jaloux d’un clocher à un autre. Provinciaux et Parisiens se font la guerre, Normands et Bretons s’affrontent, l’Alsace et la Lorraine ne sont réunies que dans l’imagerie populaire, Toulousains et Bordelais s’observent comme au temps des Ducs d’Aquitaine, Lyon et Grenoble rivalisent, etc. Chacun est persuadé que son « pré carré » est plus vert et qu’il faut le protéger du voisin.

Le Français est arrogant parce qu’il est fier de toutes les créations qui ont germées sur le sol de France, ou juste dans son champ. Les Français s’affrontent de départements en départements parce que « LA France » n’est qu’une construction tardive, sur plusieurs siècles … Le sentiment d’appartenance au sol n’est lui-même que régional et l’identité nationale n’est qu’une mosaïque d’identités qui se sont plus ou moins bien soudées au cours des siècles autour d’un état centralisateur, car la France n’est qu’un ensemble de souches d’origines diverses ayant pris tant bien que mal racine dans un hexagone de frontières.

Emigré espagnol aimant les croissants

C’est sûr, la culture française séduit. Les étrangers déferlent pour venir voir dans nos splendides musées nos peintres français parmi les plus célèbres : Picasso, Van Gogh ; Kandinsky, Chagall, … Nous n’avons pas perdu notre plume du temps des lumières. Nous nous sommes encore par la suite enorgueillis d’écrivains et poètes de talents, brillants bretteurs du langage, qui font briller notre littérature à l’international. Pour n’en citer que quelques-uns dans un palmarès de prix Nobels, de figures inoubliables, de Goncourt, d’académiciens, Guillaume Apollinaire, Joseph Kessel, Henri Bergson, Albert Camus, Gao Xingjan, Nancy Huston, Amin Maalouf, Marie Ndiaye …

Notre patrie du cinéma a certes laissé l’hégémonie cinématographique traverser l’atlantique mais nous avons, parfois, exceptionnellement, avec quelques réalisateurs, de quoi montrer au monde et pour la postérité, un art unique, une originalité sans pareille. Je parle d’exception culturelle à la Jacques Tati, Monsieur Tatischeff, un réalisateur qui a su faire reconnaître au monde entier un « génie Français » inoubliable. Et puis nous avons aussi des gueules d’acteurs Français qui demeurent dans les mémoires du monde, malgré le temps passé, les Belmondo, Montand, De Funes, Sapritch … des chanteurs comme Reggiani, Aznavour, Gainsbourg, … que de partout on nous envie et ce n’est pas qu’à Paris que leur voix a retenti.

Bon, il y en a de nouveaux pour prendre la relève et devenir des acteurs vraiment internationaux, par exemple, Saïd Taghmaoui. Cardin, Schiaparelli, Balenciaga, Paco Rabanne, Kenzo, Alaïa, Karl Lagerfeld, tous ces noms inscrivent la mode française au panthéon d’un autre rêve, celui de « la parisienne », arlésienne de l’élégance et de l’esprit français, avec ce « je ne sais quoi », cette quintessence de la féminité, qu’on ne trouve que dans la littérature, la peinture ou dans un regard rapide sur une passante fantasmée.

Kessel
Le lion académicien

Oui mais … Au final, la toile la plus célèbre du Louvre est celle d’un Italien (réfugié en son temps au clos-lucé c’est pas mal), notre Picasso national est un immigré espagnol, Chagall est d’abord et avant tout un peintre de l’avant-garde Russe, les couleurs de Kandinsky ont vu d’abord Moscou, puis Munich, puis Neuilly, le néerlandais Van Gogh n’a jamais mis de frontière à ses recherches d’inspiration en peinture, si le radium a été découvert en France, Marie-Curie était d’origine polonaise, et le discours de réception à l’académie française de Joseph Kessel pourrait être repris en cœur, en changeant quelques nationalités d’origine, par beaucoup d’autres.

Dans nos restaurants étoilés, aujourd’hui les noms de Mauro Colagreco, Masashi Igishi, montrent bien que la cuisine Française a fait rêver au-delà des frontières et que ceux qui en ont rêvé sont venus enrichir avec leurs propres sensibilités, dans notre « identité », l’art de la gastronomie. La mode Française a encore de la créativité parce qu’elle a toujours été ouverte et accueillante aux créateurs étrangers, et la Parisienne est belle parce qu’elle se moque des nationalités, qu’elle ne portera pas de marinière ou de béret bleu blanc rouge, ou de corsage bleu marine, pour faire « so frenchy », côté bornée. Elle préfère le « So frenchy, so chic ».

Pour remplacer le compagnon dont le nom magnifique a résonné glorieusement pendant un millénaire dans les annales de la France, dont les ancêtres grands soldats, grands seigneurs, grands dignitaires, amis des princes et des rois, ont fait partie de son histoire d’une manière éclatante, pour le remplacer, qui avez-vous désigné ? Un Russe de naissance, et juif de surcroît. Un juif d’Europe orientale… vous avez marqué, par le contraste singulier de cette succession, que les origines d’un être humain n’ont rien à faire avec le jugement que l’on doit porter sur lui. De la sorte, messieurs, vous avez donné un nouvel et puissant appui à la foi obstinée et si belle de tous ceux qui, partout, tiennent leurs regards fixés sur les lumières de la France.

Joseph Kessel discours de réception à l’académie Française
Les bâtisseurs de cathédrales

Quant aux trésors d’architecture de nos cathédrales, c’est parce que des architectes ont voyagé, ont été s’inspirer d’autres références qu’ils ont trouvé l’élan pour les faire sortir de terre et la force de tous ces ouvriers venus des quatre coins du monde occidental. Car les compagnons et apprentis allaient de ville en ville, de chantier en chantier, s’instruire et proposer leurs compétences.

Ce qui est sorti du sol ne l’a pas été par la force d’un seul esprit attaché de manière atavique à un seul lieu, mais par la combinaison d‘esprits partageant de multiples horizons, de multiples origines, pour faire croître de nouveaux futurs possibles où l’homme saurait évoluer. Une culture fermée à l’ouverture est une culture sans force de vie, vouée à ne créer que de l’amertume et de l’ostracisme, à ne faire germer que des idées nauséabondes, à ne cultiver que des souches pourries. Oui, il y a peut-être un génie français, mais son origine n’est pas restreinte au droit de naissance. Il vient aussi d’immigrés, des enfants et des petits enfants d’immigrés, qui ont choisi la France pour pays et qui lui ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Ils font partie de notre richesse.

Nous ne devons pas avoir peur des « étrangers » et des vents qui les portent vers nous. Leur étrangeté peut aussi nous faire grandir et il n’y aura pas de mauvais vent, si nous savons en tirer l’énergie pour créer de nouvelles richesses économiques et sociales, en fondant notre développement sur autre chose que le seul angle de l’intérêt individuel. La France qui crée est celle de la capacité d’ouverture, qui fait la fête aux nouveaux visages, aux porteurs d’espérance, à ceux qui nous rejoignent pour souscrire à cette foi des lumières humaines. Ne laissons pas cette France-là être contaminée par cette étrange bactérie qui provoque une maladie nommée « Français de souche » et dont les manifestations se traduisent par des psychoses hallucinatoires, des délires paranoïaques, des accès de logorrhées haineuses délirantes et pour finir, une certaine forme de mégalomanie.

souche
Esprit de souche

Ceux qui sont atteints de cette maladie se détachent progressivement de la réalité. Ils voient la chute de Rome envahie par des hordes barbares quand ils achètent un chou à l’épicier du coin, ils croient que tout l’occident a toujours été exclusivement chrétien depuis des temps immémoriaux, ils croient que les gaulois étaient un seul peuple vivant dans un hexagone et qu’être né en France, de parents français et blanc de peau, veut dire de façon inattaquable que vous descendez tout droit de Saint-Louis.

En passant, si vous descendez tout droit de Saint-Louis, je me permets de vous mettre en garde. Vous pouvez très bien être espagnol et avoir de graves problèmes de consanguinité. Faites attention, effectuez un bilan sanguin et n’allez pas épouser n’importe qui de votre entourage proche. Par contre, si vous descendez de Charlemagne, ne vous en faites pas, votre horoscope est au beau fixe. Méfions-nous de la maladie « français de souche » vous disais-je. Car cette maladie n’est pas toujours détectable au premier abord, mais elle peut être très dommageable, car contagieuse, particulièrement quand on est soi-même né en France, avec des parents également nés en France, et c’est encore pire si les grands-parents le sont également.

Plus l’ascendance d’origine française remonte à plusieurs générations, plus les gènes sont sensibles à la maladie qui, une fois déclenchée, peut attaquer durablement le cerveau. Le pire, c’est que cette maladie est d’autant plus pernicieuse qu’elle avance masquée, c’est une maladie dégénérative du cerveau et on ne voit pas toujours immédiatement ses dégâts sur la logique et la capacité de raisonner. Car la maladie mentale et la logique peuvent aller de pair, folie et raison parfois s’accommodent. Du coup, il serait terrible, de laisser les rênes de nos institutions à des gens déjà attaqués par cette maladie, car si les symptômes sont initialement très discrets, l’évolution vers un handicap mental très important est inéluctable. Les décisions politiques prises dès lors feraient peser bien trop de risques à notre pays, aussi bien au niveau régional que national ou dans le monde.

Cerveau déplacé

Pour reprendre un vieux titre qui fit long feu en son temps, j’écrirais bien que pour résister à cette maladie, nous devons laisser l’avenir de la France aux mains des français les plus aptes, c’est-à-dire « la France aux français … encore capable de penser ». Evitons de laisser se répandre l’infection « français de souche » dans les instances de la république ! Je suggère que pour représenter la France on n’autorise à se présenter aux élections, dans nos hommes et femmes politiques, que ceux qui peuvent se targuer d’être eux-mêmes immigrés, fils d’immigrés (au moins d’un côté) ou petits-fils d’immigré. Cela éviterait les risques de contamination.

Quoique à bien y réfléchir, le risque sera certes réduit, mais cela n’empêchera pas tout à fait l’épidémie de se répandre. Les récentes déclarations sur l’immigration d’un Français connu, fils d’immigré hongrois et jouissant d’une certaine visibilité sur la scène politique, font craindre une contamination, particulièrement si on analyse les mots-clefs choisis : racine, chrétien, fuite d’eau, menaces … Vous me direz, on n’est jamais trahis que par les siens. Soit. Mais si nous voulons vraiment combattre la contamination de cette maladie dangereuse, « les français de souche », je ne vois qu’une seule solution pour garantir un avenir serein. Boutons les personnes atteintes hors de France ! En effet, elles ne présenteront pas ou peu de dangers pour les natifs des pays étrangers d’accueil et elles cesseront d’être un danger pour les français (en particulier ceux nés en France depuis plusieurs générations), qui ne sont pas encore contaminés.

Bien sûr, on ne peut expatrier que ceux qui manifestent déjà les symptômes de la maladie. Car, sinon, comment avoir la certitude que quelqu’un va la développer du fait de son origine ? Pour tout dire, des français, dont les ascendants sont exclusivement nés en France depuis plusieurs générations, la France étant tellement mélangée génétiquement et s’étant construite avec tellement de régions qui furent étrangères, ce n’est pas si facile que ça de les retrouver de façon fiable, sans parler des secrets de famille et des filiations inavouées …

Non, le plus simple, ça reste d’expatrier ceux déjà atteints. Mais pas dans des pays où il y a trop de Français, hein, cela risquerait aussi de répandre l’épidémie. On pourrait, par exemple, suggérer la Syrie, non ? Remarquez, on a déjà plusieurs centaines de Français qui partent en Syrie. Je ne sais pas tout compte fait si cela serait une bonne idée. Ils ont eux-aussi pour la plupart une maladie dégénérative s’attaquant au cerveau (qui provoque des délires paranoïaques religieux extrêmement agressifs en particulier). A bien y réfléchir, je me demande même –l’hypothèse est audacieuse et reste à confirmer –si ces deux maladies qui causent, ne l’oublions pas, la mort des neurones, ne partageraient pas une même souche virale. Je crois que si j’arrive à l’isoler, je la baptiserai « Magnus Intolerantia » et on pourra peut-être arrêter la progression de la maladie !

Remarquez, il ne faut pas que je m’enthousiasme trop rapidement. Ce serait un peu comme le virus de la bêtise, on n’a jamais trouvé l’antidote.

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